I1.1 : Atha Yoganushasanam.

« Maintenant, le Yoga va nous être enseigné, dans la continuité d’une transmission sans interruption ».

Il s’agit du premier sutra (verset) de l’ouvrage. Il nous précise comment le yoga se transmet : à celui qui est prêt, disponible, motivé, dans le cadre d’une chaine de transmission ininterompue, depuis des origines très anciennes.

I1.2 : Yogashchittavrittinirodhah.

« Le yoga est l’arrêt de l’activité automatique du mental. »

I1.3 : Tada drashtuh svarupé avasthanam.

« Alors, se révèle notre centre, établi en lui-même ».

I1.4 : Vrittisarupyam itaratra.

« Dans le cas contraire, il y a identification de notre centre avec l’agitation du mental ».

Patanjali nous propose une définition possible du yoga, parmi d’autres : il s’agit d’arrêter les cogitations du mental, de débrancher le pilote automatique qui est très souvent à l’oeuvre dans notre esprit, de nous libérer de nos automatismes, de lâcher nos conditionnements, qui nous font ré-agir plutôt qu’agir avec dicernement.

La conséquence, nous explique-t-il, est la révélation de notre capacité à être, une présence, une conscience « pure », un « témoin immobile » au-delà de nos limitations habituelles, de nos illusions. Cela est nommé de différentes manières dans la Tradition indienne (drashtar, Atman, Soi, centre, nature profonde, état naturel etc.). Là est la source d’amour, de vie, de créativité, que nous cherchons souvent à l’extérieur.

Malheureusement, la plupart du temps, notre centre s’identifie avec la conscience périphérique (le mental, au sens large), changeante, instable car mobilisée par les sollicitations extérieures.

Une image traditionnelle compare notre Centre à un diamant qui reflète la couleur du support sur lequel il est posé : on voit rouge, on a des idées noires, en fonction des émotions qui nous submergent. Le monde « extérieur » change alors, en fonction de notre subjectivité, et on s’identifie à cet état passager sans s’en rendre compte : le mental agité fait écran, comme l’eau boueuse empêche de voir le fond. L’objectif est alors de calmer cette agitation, pour révéler le trésor caché de notre véritable nature, de notre réalité la plus profonde, au-delà des changements transitoires que nous vivons.

Pour conclure, on pourrait, de ce point de vue, inverser la célèbre phrase de Descartes (« je pense donc je suis ») en « je suis, donc je pense ». Cela permet de remettre l’être au centre, avant l’action (qui démarre avec la pensée). Cela nous pousse à reconsidérer la primauté de l’action sur laquelle toute notre société actuelle est basée…

Références : différentes traductions commentées des Yoga-Sutras de Patanjali, dont la version traduite par Françoise Mazet aux éditions Albin Michel, ainsi que des commentaires personnels.